L’entrée en vigueur du Livre 6 du Code civil : vers la fin du régime de la quasi-immunité des agents d’exécution ?

10 janvier 2025 - Droit de la construction

L’entrée en vigueur du Livre 6 du Code civil : vers la fin du régime de la quasi-immunité des agents d’exécution ?

Depuis ce 1er janvier 2025, la nouvelle version du Livre 6 du Code civil est en vigueur, introduisant notamment un changement majeur en matière de responsabilité extracontractuelle.

La situation antérieure

Le régime antérieur en matière de responsabilité était fondé sur deux axes :

  1. Responsabilité contractuelle : Lorsque les parties étaient liées par un contrat et que l’une d’elles estimait que son cocontractant avait manqué à ses obligations.
  2. Responsabilité extracontractuelle : Lorsque les parties n’étaient pas sous les liens d’un contrat et que la victime pouvait se prévaloir d’un dommage causé par la faute de l’auteur.

Il n’était en principe pas possible de cumuler les bases de réclamation : si les parties étaient liées par un contrat, la responsabilité contractuelle s’appliquait et excluait la responsabilité extracontractuelle. Cela signifiait qu’une victime ne pouvait pas introduire une action sur la base de la responsabilité extracontractuelle en cas de litige relatif à un contrat.

Un nouveau régime depuis le 01.01.2025

Le législateur a décidé de modifier la situation existante dans l’objectif de rendre le droit de la responsabilité civile plus lisible et plus cohérent. Aucune nouveauté ne vient bouleverser les fondamentaux du droit de la responsabilité et la loi intègre en majorité des enseignements jurisprudentiels bien établis.

Néanmoins, un élément est susceptible de modifier dans certains cas le droit de la responsabilité contractuelle. Désormais, une personne qui estime avoir été lésée peut choisir le mode de responsabilité sur la base duquel elle souhaite agir. Cela signifie que si vous estimez, par exemple, que votre cocontractant a rompu abusivement le contrat, vous pouvez choisir d’agir sur la base de la responsabilité contractuelle ou de la responsabilité extracontractuelle. Dans le précédent régime, cela n’était pas possible.

Les applications potentielles

Au-delà de l’intérêt théorique et juridique de pouvoir choisir la base légale de son action, ce nouveau système supprime l’immunité relative des agents d’exécution. En effet, dans le passé, les agents d’exécution comme les sous-traitants, les mandataires, les travailleurs ou les dirigeants d’entreprises étaient d’une certaine manière protégés puisque la personne lésée devait s’appuyer sur le régime de la responsabilité contractuelle et s’adresser à son cocontractant.

Désormais, la victime peut adresser sa réclamation directement à la personne qu’elle juge responsable de son dommage. Si la faute est démontrée dans son chef, sa responsabilité personnelle pourra être retenue. Nous apercevons immédiatement les implications lorsque la faute personnelle d’un dirigeant pourra être démontrée. Il pourrait ainsi être tenu responsable du dommage et condamné à indemniser la partie préjudiciée sur ses propres deniers.

Les nuances légales

La panique n’est toutefois pas encore de mise car ce nouveau système a un caractère supplétif, ce qui signifie que des clauses contractuelles peuvent l’exclure. En d’autres mots, le contrat conclu entre les parties peut prévoir que ce système ne sera pas applicable.

N’hésitez donc pas à revoir vos contrats, peu importe l’objet de ceux-ci.

Gilles RIGOTTI