Droit du bail d’habitation : quelles indemnités réclamer en fin de bail ?
Votre bail arrive à échéance et vous avez envoyé un congé à votre locataire/bailleur ? Vous souhaitez, en cours de bail, adresser un congé à votre locataire/bailleur ? Vous souhaitez demander la résolution du bail en Justice car votre locataire/bailleur ne respecte pas ses obligations ? Dans ces différentes hypothèses, vous devrez vous interroger sur les conséquences financières de tels actes : quelles indemnités allez-vous devoir payer et/ou quelles indemnités êtes-vous en droit de réclamer ?
Nous envisageons dans cette news les indemnités de fin de bail, à supporter par les locataires ou par les bailleurs, sur base légale, contractuelle ou jurisprudentielle ; dans la pratique, nous relevons régulièrement des confusions et incompréhensions.
§1. Indemnité d’occupation
L’indemnité d’occupation est due par un locataire qui se maintient dans les lieux alors que le bail a été résilié : l’indemnité d’occupation est souvent équivalente au montant du loyer : cette indemnité trouve son fondement dans l’enrichissement sans cause (l’occupation est sans titre, ni droit) : le preneur s’enrichit par la jouissance des lieux, au détriment du bailleur, appauvri. Il n’appartient pas au juge de fixer en équité l’indemnité due compte tenu, notamment, des possibilités financières du preneur ; la tendance des Juges de Paix de l’arrondissement de LIEGE consiste à accorder une indemnité sur une base mensuelle, mais due au prorata du nombre de jours jusqu’au départ effectif des lieux.
§2. Indemnité de relocation
Cette indemnité est prévue par l’article 19 du décret de la région wallonne du 15 mars 2018 sur le bail d’occupation : « En cas de résolution par la faute du locataire, celui-ci est tenu de payer le prix du bail pendant le temps nécessaire à la relocation, sans préjudice des dommages et intérêts qui ont pu résulter de l’abus ».
Dans ce cas, le bailleur supporte le risque d’inexécution par le nouveau contractant et le risque d’insolvabilité de ce dernier.
Par ailleurs, il est d’usage que les parties fixent à l’avance le montant de l’indemnité de relocation : en effet, l’article 19 n’est pas une disposition impérative et les parties peuvent y déroger.
Toutefois, cette indemnité (clause indemnitaire) doit rester dans les limites du raisonnable et correspondre à sa nature intrinsèque, qui est d’indemniser le dommage subi du fait de la résolution judiciaire et fautive.
Elle sera déclarée nulle et interdite en vertu des articles VI 83/17 et VI 84 du code de droit économique si elle n’est pas réciproque et que le bailleur est une entreprise ; cet article dispose que dans les contrats conclus entre une entreprise et un consommateur, les clauses et conditions ou les combinaisons de clauses et conditions qui ont pour objet de déterminer le montant de l’indemnité due par le consommateur qui n’exécute pas ses obligations, sans prévoir une indemnité du même ordre à charge de l’entreprise qui n’exécute pas les siennes, sont abusives.
Cette indemnité peut donc être réduite par les Juges de Paix et les pratiques sont extrêmement variables, au sein d’un même arrondissement judiciaire ; il est donc recommandé de se renseigner préalablement à l’introduction d’une telle demande.
§3. Indemnité de résiliation et clause de dédit
Une clause de dédit autorise une partie à résilier la convention, moyennant paiement d’un certain montant : il ne s’agit pas d’une clause indemnitaire puisqu’elle n’indemnise pas un dommage, mais constitue la contrepartie de l’exercice du droit de résiliation : une telle clause fait la loi des parties et ne peut être modifiée par le juge : en principe, l’indemnité due par le preneur en application de l’article 55, §5 du décret wallon relatif au bail d’habitation s’apparente à une indemnité de dédit.
En effet, l’indemnité de résiliation a pour objet d’indemniser le propriétaire d’une fin anticipée du contrat de bail, le locataire ayant légalement le droit de mettre fin au contrat dans certaines conditions et en respectant un délai de renon prévu par la loi .
En principe, les indemnités de résiliation et de relocation ne peuvent se cumuler car chacune est due dans un cas de figure différent .
§4. Indemnité de résolution
Il ne s’agit pas d’une indemnité de relocation : il s’agit, par exemple, du dommage résultant du coût des démarches, ou des commissions dues à des agences intermédiaires dans le cadre de la remise en location du bien.
§5. Indemnité d’indisponibilité
Il s’agit d’une indemnisation qui est due par le locataire pour indemniser le bailleur de la perte éprouvée pendant les périodes nécessaires d’une part à la détermination des dégâts et d’autre part à la durée des travaux de réparation ; il est indispensable, pour réclamer une telle indemnité, de disposer de pièces probantes, telles que rapport d’un expert, reportage photographique, devis, factures, etc.
§6. Indemnisation du locataire
Si la rupture du bail est imputable au bailleur, le locataire a droit à l’indemnisation de son dommage, lequel résulte de la contrainte dans laquelle il se trouve de quitter prématurément les lieux loués et de supporter des frais liés à son déménagement, de manière anticipée, alors que les dispositions contractuelles lui assuraient une certaine durée d’occupation ; il y a également lieu à indemnisation du preneur en cas de rupture fautive dans le chef du bailleur lorsque des travaux ou des adaptations ont été effectuées par le locataire dans l’immeuble, et ce dans le respect des dispositions contractuelles et légales.
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En synthèse, il faut retenir que les indemnités de fin de bail recouvrent des réalités juridiques différentes ; certaines peuvent se cumuler et il est important de bien préciser(et justifier de) sa(ses)demande(s)lors de l’introduction d’un procédure judiciaire.
En cas de doute, n’hésitez pas à nous consulter.
François DEMBOUR Julie DECONINCK
Spécialiste en droit du bail Spécialiste en droit du bail