Bail commercial et faillite : quelle attitude adopter dans le chef du bailleur ?
Il n’est pas rare qu’un bailleur soit confronté à la faillite de son locataire (personne physique ou société).
Quelle est alors le sort du bail ?
Comment doit réagir le bailleur ?
Contrairement à une idée reçue, le bail ne prend pas fin automatiquement à la faillite.
Il convient tout d’abord d’avoir égard à l’article XX.139 du Code de droit économique :
« les curateurs décident sans délai, dès leur entrée en fonction, s’ils poursuivent les contrats conclus avant la date du jugement déclaratif de faillite et auquel ce jugement ne met pas fin automatiquement, ou s’ils résilient unilatéralement lorsque l’administration de la masse le requiert nécessairement (…).
Le cocontractant peut mettre les curateurs en demeure de prendre cette décision dans les quinze jours. Sous réserve d’une prolongation amiable, si les curateurs n’ont pris aucune décision expresse avant l’expiration de ce délai, le contrat est considéré comme étant résilié. La créance de dommage et intérêts éventuellement due au cocontractant du fait de cette résiliation entre dans la masse (…) ».
En d’autres termes, le bailleur avisé veillera à mettre le curateur en demeure (par lettre recommandée) afin qu’il prenne position quant à la poursuite ou pas du bail commercial.
A défaut pour la curatelle d’avoir pris une décision expresse avant l’expiration du délai de quinzaine à dater de la lettre recommandée, le contrat de bail sera considéré comme étant résilié et le bailleur sera en droit d’exiger du curateur qu’il libère les lieux et qu’il restitue les clés et ce, le cas échéant, de manière forcée.
En effet, la suspension des voies d’exécution (en droit de la faillite) n’est pas applicable au droit des bailleurs de reprendre possession des lieux si un tel droit leur est acquis ; un bailleur doit tout au plus laisser au curateur la possibilité d’enlever les meubles afin de les vendre, quitte à exercer le privilège dont il est titulaire sur le prix de la vente, en application de l’article 20 alinea 1 de la loi hypothécaire.
Si le curateur ne libère pas les lieux loués, le bailleur devra obtenir un jugement, et ce à l’intervention du Juge de Paix territorialement compétent (situation des lieux loués) : en d’autres termes, le bailleur ne peut faire appel directement à un Huissier de Justice et à un serrurier, et ce même si le bail est résilié en vertu de la loi.
Ensuite, l’article XX.139 du Code de droit économique envisage la créance de dommage et intérêts éventuellement due aux cocontractants (dont le bailleur) du fait de cette résiliation.
Dans le chef du bailleur, cette créance consiste en général en l’indemnité de relocation qui peut être réclamée au locataire en défaut, soit sur une base contractuelle, soit sur une base légale : il est courant de prévoir dans les baux commerciaux une indemnité de relocation (ou de résolution) fixée forfaitairement à un montant équivalant à six mois de loyers.
Dans le cas où le bail commercial ne mentionne pas une telle clause, cela n’empêche pas le bailleur de prétendre à une créance de dommage et intérêts, et ce en application du droit commun du bail, et spécialement de l’article 1760 du Code civil selon lequel « en cas de résiliation par la faute du locataire, celui-ci est tenu de payer le prix du bail pendant le temps nécessaire à la relocation, sans préjudice des dommages et intérêts qui ont pu résulter de l’abus ».
En d’autres termes, le montant de la créance de dommage et intérêts mis à charge de la société faillie dépendra de la date à laquelle les lieux auront été reloués.
Enfin, le droit du bailleur de récupérer les lieux loués dès la résiliation du bail se heurte régulièrement aux réalités qui s’imposent à la curatelle laquelle, sauf exception, doit attendre l’insertion du premier procès-verbal de vérification des créances (environ 6 semaines à dater du jugement déclaratif de faillite) avant de pouvoir procéder à la liquidation de la faillite, et ce en application de l’article XX.166 du Code de droit économique.
En pratique, nous recommandons aux bailleurs et curateurs de privilégier le dialogue, préférable à l’introduction d’une procédure dont l’efficacité immédiate n’est pas a priori acquise, et ce d’autant que les bailleurs disposent d’un privilège mobilier sur la base de l’article 20, 1° de la loi hypothécaire.
FRANCOIS DEMBOUR LEON LEDUC